ÉCONOMIE

La Centrale d’Achat du Gabon (CEAG) : Succès précoce ou communication optimiste ?

Le lancement de la Centrale d’Achat du Gabon (CEAG), entérinée par le Conseil des Ministres du 12 août 2025, a été salué par des annonces de résultats prometteurs. Cependant, une analyse critique s'impose quant à l'objectivité de ces premières évaluations, notamment celles relayées par le ministre d’État en charge de l’Économie, Henri-Claude Oyima, lors de l’émission Gouv’Actu du 19 octobre 2025 sur Gabon 1ère.

Selon le Ministre Oyima, cette structure, créée pour centraliser les commandes publiques et obtenir de meilleurs prix, aurait déjà permis de réduire le coût d’achat de certains intrants essentiels pour la santé, l’éducation et l’agriculture dans une fourchette impressionnante de 30 à 50 %.

Ces chiffres, s’ils se confirment, sont une victoire significative dans la stratégie de maîtrise des dépenses publiques et la lutte contre la dispersion des marchés, les duplications et les prix surévalués. L’économie mutualisée sur les premiers lots (médicaments, matériel scolaire, engrais) est estimée à plusieurs milliards de francs CFA.

Toutefois, l’objectivité de ces annonces doit être examinée :

Source unique : L’évaluation émane directement du ministère de tutelle, le garant de la réussite du projet. Y a-t-il eu une vérification indépendante ou un audit externe pour confirmer l’ampleur exacte des réductions ?

Base de comparaison : Quels étaient les prix de référence utilisés pour calculer ces réductions de 30 à 50 % ? S’agissait-il des prix maximaux pratiqués avant la CEAG (souvent jugés surévalués) ou d’une moyenne ? La méthodologie est cruciale pour juger de la véritable valeur ajoutée.

Période de temps : Lancée en août, la centrale n’a eu que deux mois pour négocier, commander et voir les livraisons se concrétiser. Ces « premiers lots » pourraient représenter des achats ciblés, faciles à réduire, et ne pas être représentatifs des économies futures sur la globalité des marchés. La nature même de la CEAG soulève des questions sur son fonctionnement et son indépendance.

Il s’agit d’une société d’économie mixte :

Actionnariat : L’État détient 37 %, tandis que 63 % sont aux mains d’opérateurs nationaux du secteur de la distribution. Cette majorité privée garantit-elle une gestion agile et efficace, ou bien un risque de conflit d’intérêts entre les objectifs de l’État (baisser les prix) et les intérêts des distributeurs nationaux (maintenir une marge bénéficiaire) ?

Mission : La centrale ne fait pas qu’acheter ; elle doit aussi stocker, transporter et distribuer des biens essentiels (denrées alimentaires, matériaux de construction, produits stratégiques). Ces fonctions logistiques complexes, couplées à un actionnariat majoritairement privé, devront faire l’objet d’une transparence totale pour écarter tout soupçon de favoritisme ou de monopole.

En mutualisant la demande pour renforcer le pouvoir de négociation du Gabon, la CEAG vise un objectif louable : réinjecter les économies dans les projets de développement ou les stocks stratégiques. Pour que l’objectivité de son succès soit incontestable, il est impératif que les autorités publient des rapports trimestriels détaillés sur les prix d’achat avant/après la centrale et la ventilation des économies réalisées, au-delà des déclarations ministérielles.

Le véritable indicateur de succès sera la qualité et la disponibilité constante des intrants pour les citoyens, et non uniquement les chiffres de réduction de coûts.

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