Justice Gabonaise : Un Coup d’Éclat Contre des Fantômes ? L’Exil, Seul Juge de la Peine
La Cour criminelle spécialisée de Libreville a rendu son verdict dans la journée du mardi 11 novembre 2025, condamnant l’ancienne première dame du Gabon, Sylvia Bongo Ondimba, et son fils Noureddin Bongo Valentin à 20 ans de réclusion criminelle chacun pour détournement de biens publics.
Cette décision soulève une question fondamentale : quel est l’intérêt réel de ces condamnations, prononcées par contumace, alors que les accusés sont désormais en exil à Londres et que leur retour au Gabon semble, pour l’heure, une probabilité infime voire nulle ?
Jugés en leur absence après avoir refusé de comparaître, dénonçant un procès « politique », Sylvia Bongo (reconnue coupable de recel et détournement de fonds publics, blanchiment, instigation au faux et usurpation de fonds) et Noureddin Bongo (coupable de détournement de deniers publics, concussion, usurpation de titres et fonctions, blanchiment aggravé et association de malfaiteurs) ont été frappés par la rigueur de la loi gabonaise.
Les deux figures sont parties prenantes de l’ancien système, comme l’a souligné le procureur Eddy Minang : « Ils ont régné sans partage et cherchent aujourd’hui à se présenter comme des victimes d’un système qu’ils ont eux-mêmes bâti ».
La Cour, présidée par Jean Mexant Essa Assoumou, n’a pas seulement prononcé de lourdes peines de prison. Les sanctions financières sont colossales et spectaculaires :
Noureddin Bongo Valentin doit verser à l’État gabonais une somme de 1 201 milliards de francs CFA. Une amende conjointe de 100 millions de francs CFA est infligée aux deux condamnés.
Le procureur a également requis et obtenu la confiscation de l’intégralité de leurs avoirs (comptes, propriétés, participations, entreprises, etc.) au profit de l’État, ainsi que le remboursement de 4,4 milliards de francs CFA.
Alors que les accusés résident à Londres depuis leur libération provisoire en mai 2025, la question de l’effectivité de ces jugements se pose avec acuité. Si la confiscation des biens situés au Gabon pourrait être immédiate, la récupération des fonds et des propriétés à l’étranger (notamment à Londres et Marrakech, acquis selon le ministère public avec des fonds publics détournés) nécessite des procédures d’entraide judiciaire complexes et longues.
En l’absence des condamnés et face à une probabilité de retour quasi-nulle, ces condamnations servent-elles avant tout un objectif politique et symbolique de « tourner la page » et d’affirmer la nouvelle ère de gouvernance, ou ont-elles une véritable portée exécutoire à l’international ?




