Gabon : Sur 200 000 opérateurs économiques identifiés, seuls 40 000 sont nationaux contre un écrasant 160 000 expatriés
Plus qu’une simple photographie statistique, le Recensement Général des Entreprises (RGE) 2023, opéré par la Direction Générale de la Statistique (DGS), se révèle être un miroir implacable tendu à la nation gabonaise. Les chiffres qu’il expose agissent comme un électrochoc, mais aussi et surtout comme le puissant déclencheur d’un sursaut d’orgueil collectif, prélude à une transformation économique et sociale profonde.
Les données sont tombantes et, pour beaucoup, sidérantes : près de 63% des entreprises gabonaises recensées appartiennent au secteur informel. Ce n’est pas le plus grand choc. C’est la répartition de la propriété de ces entreprises informelles qui interpelle le plus profondément l’âme gabonaise et secoue les consciences.
Moins de 20% de ces activités économiques de proximité, du petit commerce de quartier aux services essentiels, sont détenues par des Gabonais. Inversement, plus de 80% sont aux mains d’opérateurs étrangers. En chiffres absolus, sur quelque 200 000 opérateurs économiques identifiés, seuls 40 000 sont nationaux contre un écrasant 160 000 expatriés.
Cette disproportion flagrante, particulièrement accablante dans les filières vitales de la vie quotidienne, a jeté une lumière crue sur une dépendance économique insoupçonnée, un sentiment d’aliénation dans son propre pays qui a fait l’effet d’une douche froide.
Face à cette réalité, l’heure n’est plus à la résignation, mais à un puissant sursaut d’orgueil national. Ce n’est pas qu’une question de chiffres, c’est une question de dignité, d’identité et de souveraineté économique. La prise de conscience est collective : comment une nation peut-elle aspirer à la prospérité et à l’autonomie si les fondations mêmes de son économie de proximité échappent à ses propres citoyens ?
Ce sursaut se manifeste par un désir ardent de reprendre possession de son espace économique. Il est alimenté par la fierté nationale et l’ambition de voir le produit du labeur local bénéficier prioritairement aux Gabonais. Il s’agit de transformer la frustration en détermination, l’étonnement en stratégie. Les conversations s’animent dans les ménages, sur les réseaux sociaux, dans les marchés : « Pourquoi laisser nos propres affaires entre d’autres mains ? Qu’est-ce qui nous empêche de nous lancer, de nous organiser, de nous surpasser ? »
Ironiquement, cet informel, malgré sa prédominance étrangère dans l’entrepreneuriat de proximité, n’en demeure pas moins un pilier économique majeur, contribuant à pas moins de 35% du PIB gabonais au moment du recensement. Son rôle dans l’emploi et la consommation est incontestable. Mais son poids colossal, allié à sa structure de propriété, pose d’immenses défis en matière de fiscalité, de régulation, et surtout de formalisation.
Les pouvoirs publics se retrouvent ainsi face à un double impératif, clair et désormais urgent :
Mieux intégrer l’informel dans le cadre légal : Cela permettra d’élargir l’assiette fiscale, de sécuriser les emplois et d’offrir des protections sociales aux travailleurs, tout en assurant une concurrence loyale.
Renforcer drastiquement l’entrepreneuriat national : C’est ici que le sursaut d’orgueil du peuple gabonais trouve son écho le plus fort.
Il s’agit de mettre en place des mécanismes solides de soutien, de formation, de financement et d’accompagnement pour permettre aux Gabonais de s’approprier massivement ce segment vital de l’économie. Ce RGE n’est donc pas un constat d’échec, mais un catalyseur. Il a mis en lumière une vérité qui, aussi amère soit-elle, est le point de départ d’une profonde mobilisation.
Le sursaut d’orgueil des populations gabonaises n’est pas qu’une émotion passagère ; c’est le moteur d’une volonté collective de rééquilibrer le tissu économique, de cultiver l’entrepreneuriat local comme un acte patriotique, de consommer gabonais pour soutenir les siens.
Le Gabon a devant lui l’opportunité unique de transformer cette révélation en un plan d’action ambitieux, où l’État et la population, main dans la main, reconstruisent une économie plus inclusive et souveraine. C’est le chemin d’une nation décidée à écrire une nouvelle page de son histoire économique, une page dictée par l’audace, l’innovation et un sursaut d’orgueil inébranlable.




