Accord entre la SEEG et SUEZ : Promesses et défis pour l’accès à l’eau potable au Gabon
L'accord signé récemment entre la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG) et le groupe français SUEZ, d’une portée de 200 millions d’euros sur une durée de cinq ans, soulève un certain nombre d’interrogations quant à sa véritable portée et à son impact sur le secteur de l’eau potable au Gabon.

Si les promesses d’amélioration de l’accès à l’eau potable, de modernisation des infrastructures et de développement des compétences locales sont séduisantes, il est essentiel d’examiner les tenants et aboutissants de cette initiative. La première question qui se pose concernant cet accord est l’authenticité des motivations avancées par les deux entités.
Bien qu’il soit indéniable que le Gabon, comme de nombreux pays en développement, souffre de problèmes d’accès à l’eau potable de qualité, le soutien financier de l’État français à travers un prêt à taux compétitif soulève des doutes sur l’indépendance du pays dans la prise de décision en rapport à ses ressources naturelles. Répond-il réellement aux besoins des populations locales ou il s’agit d’une manœuvre pour maintenir sa présence dans le secteur des services publics tout en engrangeant des bénéfices colossaux ?
L’un des points clés est le transfert de compétences via la méthodologie WIKTI. Bien que ces formations et évaluations de compétences soient essentielles pour renforcer l’expertise locale, le succès de cette initiative dépendra de la volonté réelle de l’entreprise française de s’investir à long terme dans le développement des ressources humaines locales.
L’expérience montre que les projets de ce type peuvent souvent être des opérations à court terme, visant davantage l’image de marque des multinationales que l’engagement sincère envers un développement durable et inclusif des compétences locales.
Le contrat prévoit également l’implication d’un tissu de PME gabonaises, avec 60 millions d’euros dédiés à leur développement. Toutefois, la réelle capacité de ces PME à remplir les critères de qualité internationaux, notamment en matière de santé et sécurité, n’est pas garantie.
Il est crucial de s’interroger sur le degré de soutien qu’elle va apporter pour assurer leur viabilité. Va-t-elle fournir de l’emploi, oui, mais à quel prix ? Les populations pourraient-elles bénéficier pleinement des retombées économiques, ou sont-elles condamnées à une précarité persistante, comme c’est souvent le cas dans les partenariats public-privé ?
Les indicateurs de performance annoncés semblent prometteurs à première vue, sauf qu’ils nécessitent une attention particulière quant à leur mise en œuvre effective. La réduction des pertes d’eau, l’augmentation du rendement de la facturation et l’élargissement de l’accès à l’eau potable ne doivent pas seulement être des discours marketing, mais plutôt aboutir à des résultats tangibles et mesurables.
Sans une transparence claire et une véritable volonté de rendre des comptes, ces indicateurs ne pourraient servir qu’à embellir un bilan largement superficiel. Cela pourrait être une avancée significative, mais cette perspective est assombrie par des doutes sur l’engagement véritable à long terme et l’impact réel sur l’économie locale.
Tandis que les projets ambitieux et historiques sont souvent salués avec enthousiasme, il devient impératif d’examiner attentivement les implications sociales, économiques et environnementales de tels partenariats. Le Gabon pourrait s’engager sur une voie de modernisation, un risque à prendre fondamental que de faire confiance à un modèle traditionnel d’externalisation des services publics, surtout quand il s’agit de ressources vitales telles que l’eau.